Mon Crime, le délicieux nouveau film de François Ozon est sorti en France en janvier 2023, en Italie trois mois plus tard.
Le réalisateur parisien très apprécié et très primé crée un divertissement ingénieux, plein de sens, d'élégance intellectuelle, de satire intelligente.
Ozon réalise une opération très complexe, habillée de légèreté et de classe: il reprend une comédie du théâtre bourgeois et populaire, du “théâtre du boulevard”, (à Paris depuis le XVIIIe siècle la comédie théâtrale avait un épicentre dans les théâtres du Boulevard du Temple, dans le 3e arrondissement, où se produisaient des comédies légères et amusantes, loin des lieux solennels des théâtres académiques; cette avenue était surnommée “Boulevard du Crime”, en raison des nombreux crimes qui y étaient représentés sur scène).
Ozon a donc basé le film sur la pièce de théâtre de Georges Berr et Louis Verneuil écrite en 1934, "Mon Crime", une "pièce de boulevard", c'est-à-dire une comédie comique et populaire teintée de noir. Là-dessus, le réalisateur donne vie à son mélo, l'enrichissant d'une sorte de retournement bienveillant de Me Too, remplissant ainsi son film de thèmes très actuels. Mélangeant les genres, comme le fait intelligemment Ozon, il crée un film léger et souriant, qui est aussi un puzzle convaincant, se déroulant au milieu des années Trente, et qui - s'il se passait en Amérique- serait de la hard-boiled fiction, mais c'est plutôt français et plein de classe, de grâce bienveillante, d'ironie malicieuse. Et le spectateur se retrouve intrigué à plusieurs niveaux: celui des citations et références à la culture contemporaine et celui de la reconstitution cinéphile d'un mélodrame à la Lubitsch.
Il y a aussi un hommage cinéphile au passage du cinéma muet au cinéma sonore (fin des années 1920/début des années 1930), il y a une utilisation fascinante du noir et blanc pour des flashback et des extraits parfaits de films d'époque imaginaires; et la couleur est très vive et amusante.
(Très différemment de certains réalisateurs qui se prennent tellement au sérieux et lourdement ne font que parler toujours et uniquement d'eux, comme s'ils étaient le très ennuyeux centre du monde - pensez à Il Sol dell'Avvenire de Nanni Moretti), ici François Ozon fait une comédie irrésistible, sophistiquée et légère à la fois, au rythme rapide et intrigant, très moderne, avec des rebondissements continus, des dialogues vifs et ironiques, un développement logique poussé à l'extrême; et l'ensemble du film est assaisonné avec maîtrise.
(Le titre italien est La Colpevole Sono Io, dans l'habituelle modification inutile des titres aux fins du marché italien.)
Cette “histoire de détective" raconte de la jeune et séduisante actrice sans le sou Madeleine Verdier (Nadia Tereszkiewicz) et de sa meilleure amie -une jeune avocate- Pauline Mauléon (Rebecca Marder). Les deux gentilles filles vivent ensemble au bord de la pauvreté, à la recherche d'un succès qu'elles échouent à atteindre honnêtement. Sous-jacent l'allusion à l'amour lesbien de Pauline pour Madeleine. Madeleine, innocente, est accusée du meurtre d'un célèbre producteur de cinéma. Avec le soutien de sa meilleure amie Pauline, qui l'aide à réfléchir sur le pouvoir révolutionnaire des femmes, Madeleine est jugée et acquittée en état de légitime défense. Ainsi commença une nouvelle vie réussie en tant qu'icône féministe. Il y aura d'autres rebondissements et compromis.
La vérité est continuellement racontée à nouveau et manipulée, jusqu'au point culminant du générique de clôture (à ne pas manquer, bien sûr), où l'histoire est repeinte dans des significations successives et imbriquées.
Les deux actrices principales précitées sont très bonnes et vraiment jeunes, elles ont 27 et 28 ans, ((parfois le cinéma utilise des acteurs beaucoup plus âgés dans des rôles de jeunes et ce n'est pas le cas).
Ensuite, il y a Isabelle Huppert, qui incarne l'ex-diva du cinéma muet Odette Chaumette, également honorée par Ozon avec la citation d'un célèbre true crime, contemporaine à l'époque du film, commis par Violette Nozière, à qui le grand Claude Chabrol a dédié un merveilleux film de 1978, la protagoniste Isabelle Huppert.
Ensuite, il y a Fabrice Luchini, qui incarne le juge d'instruction Gustave Rabusset, irrésistible dans la scène de la recherche d'un crime non élucidé auquel peut être imputée sa mûre coupable avoué.
Dany Boon (dont on se souvient l'incontournable hilarant Bienvenue chez les Ch'tis de 2008, écrit, réalisé et interprété par Dany Boon, à propos d'un postier officiellement muté de la Provence au Nord-Pas-de-Calais, dans l'extrême Nord du Pays, avec un clash culturel et géographique) voici Palmarède, le Marseillaise, qui fait découvrir aux Parisiens le plaisir du pastis et offre l'amitié à l'actrice...
Tous les personnages mineurs sont brillamment esquissés: la méchante concierge M.me Jus, qui semble sortie d'un film de Polanski; Trapu, le secrétaire soumis du juge, qui trouve ses propres moyens de se venger des harcèlements; la bonne Céleste du grand hôtel; et toutes les diverses agréables caractérisations stéréotypées.
La bande originale est du compositeur de films Philippe Rombi.
À voir et revoir.
l'affiche du film
Nadia Tereszkiewicz
Rebecca Marder
Dany Boon
la jeune actrice réussit...
Comments